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« Changez la société, je changerai mon théâtre », aurait dit Jean Vilar dont les propos sont cités dans le spectacle conçu et mis en scène par Fanny de Chaillé au cloître des Célestins. L’artiste dirige quinze vifs élèves de la Manufacture, une école de théâtre suisse, dans un exercice mémoriel ludique, mais en manque d’imaginaire. L’immersion entraîne le public dans les archives sédimentées du Festival d’Avignon né en 1947. C’est dire si la remontée chronologique sélective et opérée depuis les origines prend du temps, même si elle ne démarre pas par le tout début (Histoire de Tobie et Sara, de Paul Claudel) mais par l’année 1976 et la création de Einstein on the Beach, mise en scène de Bob Wilson, musique de Philip Glass.
Entre les hauts arbres du cloître, assises sur des bancs d’écolier, deux actrices reproduisent les gestes des interprètes wilsoniennes. La musique de Glass était répétitive. La suite de la représentation sera un prélèvement méthodique des rendez-vous majeurs d’Avignon. A chaque époque son créateur iconique, son interprète phare, sa pièce culte, sa forme esthétique classique ou innovante.
Esquissant des postures chorégraphiées qui se figent le temps de la pose, usant de bruitages et de micros, les comédiens frais émoulus enchaînent les copier-coller du passé. Convoquent ici Gérard Philipe dans Le Prince de Hombourg, ailleurs Antoine Vitez et Le Soulier de satin, plus loin les corps dansants de Maurice Béjart et de Pina Bausch, ceux nus et décomplexés du Living Theater, les jambes ouvertes de Valérie Dréville dirigée par Anatoli Vassiliev dans Médée-Matériau. Ils imitent Isabelle Huppert. Simulent une performance à la Rodrigo Garcia. Un peu de Christophe Marthaler passe par là. Angelica Liddell est présente elle aussi. Ils n’oublient ni de parodier une émission critique de France Inter ( « Le Masque et la Plume ») ni de se métamorphoser en spectateurs avignonnais tantôt benêts, tantôt éclairés.
Ils parlent du Festival Off, ça va de soi. Et interpellent l’actuel directeur, Tiago [Rodrigues], « dont on ne dit pas le nom car il est étranger ». Enfin, parce qu’il faut assaisonner l’hommage d’autodérision, ils se mettent en scène eux-mêmes, jeunes gens mystiques ou cyniques jouant à Avignon. En revenant au présent de leurs vies, ils se montrent drôles et incisifs. Pourtant, le spectacle s’enlise et se fossilise. Pas facile de réactiver, en deux temps trois mouvements, l’esprit d’illustres prédécesseurs. La volonté de divertir n’évite pas les pièges d’une caricature expéditive.
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